Le philosophe et écrivain congolais Valentin-Yves Mudimbe, plus connu sous le nom de Mudimbe Vumbi Yoka, s’est éteint le 21 avril 2025 aux États-Unis à l’âge de 83 ans. Figure emblématique de la pensée postcoloniale, il laisse derrière lui une œuvre monumentale, saluée dans les milieux académiques africains et internationaux. “C’est une perte immense pour la pensée critique africaine”, confie un universitaire congolais, soulignant la place centrale qu’occupait Mudimbe dans les débats intellectuels contemporains.
Né à Likasi (anciennement Jadotville), Mudimbe a mené une carrière aussi brillante que plurielle, passant de prêtre à linguiste, avant de s’imposer comme professeur dans plusieurs universités de renom, notamment à Duke University, aux États-Unis. Son ouvrage majeur, The Invention of Africa (1988), a bouleversé les paradigmes en dénonçant la manière dont le savoir occidental a fabriqué une image biaisée du continent. “Il a décortiqué les mécanismes subtils par lesquels l’Occident a inventé une Afrique à son image”, analyse une spécialiste des études africaines.
Mais Mudimbe n’était pas qu’un théoricien : il était également un écrivain au style singulier, capable de faire dialoguer philosophie et littérature. Ses romans comme Entre les eaux ou L’Écart sont souvent cités comme des exemples de cette fusion rare entre rigueur intellectuelle et émotion esthétique. “Il écrivait avec la rigueur du philosophe et la sensibilité du poète”, note un critique littéraire.
Jusqu’à ses derniers jours, Mudimbe est resté une référence pour de nombreux chercheurs, écrivains et militants africains. Son engagement en faveur de la décolonisation des savoirs continue de résonner auprès des nouvelles générations. “Il nous a appris à penser par nous-mêmes, à partir de nous-mêmes”, témoigne un jeune essayiste congolais. Son silence désormais laisse place à un héritage durable, enraciné dans la quête d’une pensée libre et affranchie.
Siméon TUENDELE